Pour favoriser une meilleure compréhension de la construction européenne et de ses enjeux, le Centre européen de recherches en banque et finance édite régulièrement des « Banque-Notes » ou « Banque-Notes Express », des lettres informatiques dans lesquelles les lecteurs trouveront des réponses simples à des questions que beaucoup se posent sur l’actualité européenne et particulièrement sur l’Europe bancaire et monétaire
La lettre express du 5 mai 2016, rédigée par Blanche Sousi, Cyril Rolling ainsi que l’équipe junior, est consacrée au Comité de Bâle.
Carnets de Bâle
Il y a deux catégories d’interlocuteurs qui peuvent vous parler de Bâle : les amateurs d’art contemporain et les banquiers. Bien sûr, ils n’en parlent pas pour les mêmes raisons, les uns évoquent leur dernière visite à Art Basel, les autres les dernières règles définies par le Comité de Bâle pour mieux assurer la stabilité du système bancaire mondial ; mais tous vous donnent parfois cette étrange impression de ne pas être armé pour comprendre leur propos et les suivre dans la danse.
Il faut, en effet, une certaine expérience pour accéder à l’art contemporain, comme à la technicité des documents émanant du Comité de Bâle. Nous laisserons cela aux experts. En revanche, chacun de nous est en droit de savoir ce qu’est ce comité, comment il travaille et s’il consulte (et qui ?) avant de produire ces règles qui, finalement, nous concernent tous car il s’agit de la santé de nos banques.
Voici quelques éléments de réponse que nous avons notés dans nos carnets.
Qu’est-ce que le « Comité de Bâle » ?
Cette appellation, bien qu’habituelle (et que nous utiliserons), est un faux ami car elle prête à confusion. Certes, elle fait comprendre qu’il s’agit d’une structure implantée à Bâle, mais elle peut laisser croire qu’il n’y a qu’un seul comité de ce genre dans cette ville suisse…ce qui est loin d’être le cas. Explication.
Le Comité de Bâle dont la dénomination complète est « Comité de Bâle sur le contrôle bancaire » n’est que l’un des comités permanents établis au sein de la Banque des règlements internationaux (la BRI) dont le siège est situé à Bâle.
On rappelle que la BRI, créée en 1930 pour promouvoir la stabilité monétaire et financière internationale, est aujourd’hui composée des banques centrales de la plupart des pays du monde. Ses comités permanents élaborent, chacun dans son domaine de compétence, des études, des rapports et fixent des règles (qu’elles s’appellent accords, principes, normes, recommandations ou standards).
Il est évident que les diverses décisions du Comité de Bâle ont un fort écho médiatique et font souvent la « une » de la presse spécialisée. Il est courant de parler de « Bâle 1 », de « Bâle 2 »(parfois même de « Bâle 2 1/2 »), de « Bâle 3 » pour désigner les textes successifs qu’il a déjà adoptés en matière de contrôle des établissements de crédit…en attendant peut-être « Bâle 4 ».
Mais cela ne doit pas cacher les autres comités permanents qui mènent des travaux également importants au sein de la BRI. En voici donc la liste pour information :
– le Comité sur les paiements et les infrastructures de marché,
– le Comité sur le système financier mondial,
– le Comité des marchés,
– le Forum sur la gouvernance d’une banque centrale,
– le Comité Irving Fisher sur les statistiques de banque centrale.
Pour en savoir plus sur chacun de ces comités, voir sur le site de la BRI (en anglais).
Qui sont les membres du Comité de Bâle ?
A ce jour, ce sont les banques centrales et/ou les autorités de contrôle bancaire de 27 pays du monde (dont tous les membres du G20) + la Banque centrale européenne (BCE) et le Mécanisme de supervision unique (MSU) pour l’Union européenne. Ainsi pour la France, siègent au Comité, des représentants de la Banque de France et de l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution).
A noter que certains autres pays ou organismes siègent à titre d’observateurs, comme la Commission européenne. Voir la liste complète.
Comment travaille-t-il ?
Son président, actuellement Stefan Ingves, gouverneur de la banque centrale de Suède, est nommé par le Groupe des gouverneurs de banque centrale et des responsables du contrôle bancaire (GHOS) qui est l’organe de surveillance du Comité.
Les réunions du Comité se tiennent au moins 4 fois par an et davantage si nécessaire (ce peut être alors par télé ou visio-conférences).
Ses décisions (prises par consensus entre ses membres) sont publiées sur son site et quiconque peut en prendre connaissance. De plus, elles sont généralement annoncées par un communiqué de presse, comme celui du 21 avril 2016 concernant le risque de taux d’intérêt. Accéder à la version française
Mais de telles décisions ne sont que l’aboutissement des réflexions et travaux des cinq groupes qui structurent le Comité, eux-mêmes assistés de groupes de travail et de commissions ad hoc. Participent à ces différents travaux des experts des banques centrales et des autorités de contrôle des pays membres du Comité. Le travail est long (parfois très long) du fait de la technicité des sujets traités, mais aussi de la nécessité de trouver les voies d’un consensus entre les représentants des différents pays membres. A noter que les décisions les plus importantes doivent être soumises à l’approbation du GHOS.
Le Comité procède-t-il à une concertation externe ?
Oui, c’est là un point essentiel et la clef de voûte de toute l’organisation de son travail : en effet, pour accomplir sa mission principale qui est de renforcer le système financier mondial, le Comité doit mener une large concertation au-delà de ses seuls membres.
Il coopère donc avec des autorités bancaires de pays qui ne sont pas représentés dans ses structures internes. La Conférence internationale des autorités de contrôle bancaire, qui se tient deux fois par an et qui permet au Comité d’échanger avec des autorités bancaires du monde entier, atteste de cette logique.
Le Comité travaille également avec d’autres acteurs institutionnels sur les sujets proches de ses compétences (Association internationale des contrôleurs d’assurance, divers groupes travaillant sur les règles comptables et d’audit, etc.). Il mène également des études d’impact pour mesurer les incidences que pourraient avoir ses projets qu’il modifiera si nécessaire.
Mais il y a plus……des consultations publiques sont organisées.
Les consultations publiques. En vertu de sa Charte (ici en français), le Comité doit procéder à une consultation publique sur les normes qu’il propose d’adopter. Cette consultation se fait via son site : par exemple la consultation ouverte le 19 avril 2016 (révision de Bâle 3) Voir en français le Document de consultation.
Certes, il faut avoir une certaine expertise des sujets traités pour être en mesure de répondre à de telles consultations très techniques ; il n’en demeure pas moins qu’une réelle transparence existe et que quiconque, s’il a les connaissances suffisantes, peut faire valoir son point de vue. Mais surtout, en visitant régulièrement le site du Comité de Bâle (comme ceux des autres comités permanents de la BRI), chacun de nous, expert ou pas, peut se tenir informé des règles en préparation et, si besoin, se les faire expliquer par des initiés. Car lorsqu’elles seront adoptées, ces règles seront appliquées dans les différents pays ayant participé à leur élaboration. Mais sous quelle forme alors que, juridiquement, elles ne sont pas contraignantes ?
Comment les principes définis à Bâle sont-ils mis en œuvre ?
Les règles définies par le Comité de Bâle n’ont pas, en elles-mêmes, force de loi (c’est de la soft-law), mais leur influence est importante car elles constituent pour les pays membres un engagement moral fort de les mettre en œuvre, ce qu’ils font, bien que ce soit sous des formes diverses : simple mise en pratique par leurs autorités de contrôle, reprise fidèle dans leur législation nationale ou reprise avec des contraintes supplémentaires (on parle de goldplatine) ce qui est possible, les règles fixées par le Comité de Bâle étant minimales. Le Comité se tient informé de ces mises en œuvre et, le cas échéant, souligne dans ses rapports d’éventuelles insuffisances.
Il est vrai aussi que la mise en œuvre de ces principes peut être plus ou moins rapide. L’exemple de l’Union européenne (UE) est particulièrement significatif. Les accords de « Bâle 1 », « Bâle 2 » et « Bâle 3 » ont très largement inspiré les directives et règlements adoptés par le Parlement européen et le Conseil en matière de contrôle des établissements de crédit de l’UE. Or, ces textes européens ont généralement été préparés en même temps que se déroulaient les travaux du Comité de Bâle. Du fait de cette simultanéité, les principes fixés à Bâle sont devenus très rapidement des règles contraignantes pour les établissements de crédit dans tous les Etats membres de l’UE. Il y a là une avance par rapport à des pays du monde moins rapides dans l’application de ces principes. Certains verront dans cette avance une disparité de traitement entre établissements, d’autres y verront un signe positif donné aux marchés sur la solidité des banques européennes.
Blanche Sousi avec Cyril Rolling
et l’équipe junior